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La valeur par rapport aux valeurs – L’évolution des facteurs ESG pour les placements des régimes de retraite

Par Zachary Barsky, Vice-président Institutionnel, RPIA

Au cours des dernières années, les caisses de retraite ont été au cœur du débat relatif aux facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (les « facteurs ESG »). En tant que grandes gestionnaires de capitaux, elles ont le poids nécessaire pour influer sur les actions et les pratiques des grandes sociétés. Toutefois, leur processus décisionnel doit tenir compte de priorités contradictoires : adopter une approche à long terme, respecter le point de vue des participants ainsi que leur obligation fiduciaire de générer les meilleurs rendements ajustés en fonction du risque pour satisfaire à leurs obligations au titre des prestations. Le présent document vise à parcourir l’éventail des approches adoptées par les régimes de retraite, comme la délégation à leurs gestionnaires, l’intégration et l’engagement quant aux facteurs ESG, et pour certains régimes, l’accent mis sur des cibles actives précises. À l’aide d’un exemple de client, nous suggérons également des façons pour les promoteurs de régimes d’adopter une approche plus active à l’égard des facteurs ESG tout en respectant les priorités susmentionnées. Plus particulièrement, nous expliquons comment l’intégration des facteurs ESG contribue plutôt que nuit au rendement des placements.

La réglementation et les lois supposent une obligation fiduciaire

Même si certains mégarégimes établis en Ontario ont commencé à mettre l’accent sur les facteurs ESG dès 2003, c’est en 2011 que les législateurs ontariens ont établi les bases de l’élan que nous continuons de voir aujourd’hui dans ce segment. C’est dans le budget de 2011 que le gouvernement a proposé pour la première fois d’exiger que les régimes indiquent explicitement dans leurs documents réglementaires s’ils tiennent compte ou non des facteurs ESG. Après leur approbation à la fin de 2014, les nouvelles règles sont entrées en vigueur le 1ᵉʳ janvier 2016. Cela a déclenché une frénésie de consultations et d’éducation chez les promoteurs de régimes afin de déterminer leur approche en matière de facteurs ESG.

En fin de compte, les promoteurs de régimes devaient déterminer s’ils respectaient ou non leur obligation fiduciaire en tenant compte des facteurs ESG dans leurs décisions de placement. Les lignes directrices de McCarthy Tétrault en 2019 ont expressément indiqué que « lorsque les facteurs ESG sont pris en compte dans l’évaluation du rendement, de la durabilité ou du risque, ils constituent et peuvent constituer par le fait même des facteurs financiers, et lorsqu’ils sont connus et pertinents, ils doivent être pris en compte par les fiduciaires »[1]. Le facteur de la gouvernance a toujours été primordial dans l’analyse fondamentale de toutes les catégories d’actifs, et le fait de ne pas tenir compte de ce seul facteur serait un motif suffisant pour que les promoteurs de régime manquent à leur obligation fiduciaire.

Dans un rapport publié en 2015, Koskie Minsky applique des lignes directrices semblables, mais considère le risque climatique comme étant un facteur dont les promoteurs de régime doivent tenir compte d’un point de vue fiduciaire. Il soutient qu’il existe un consensus scientifique sur les causes et les conséquences catastrophiques des changements climatiques. Ces résultats comportent des risques financiers dont les fiduciaires doivent tenir compte dans leur approche de placement[2]

Valeur ajoutée financière ou sociale?

La plupart des promoteurs de régimes ont d’abord opté pour une approche de délégation en matière de facteurs ESG, en partie parce qu’ils n’avaient pas le temps d’en apprendre davantage sur ceux-ci afin d’être à l’aise à leur sujet avant l’entrée en vigueur de la loi, et aussi parce qu’ils souhaitaient que les gestionnaires de placements puissent se conformer au libellé. Ils ont signé leurs déclarations réglementaires reconnaissant qu’ils tiennent compte des facteurs ESG et ont mis à jour leur énoncé des politiques et procédures de placement affirmant ce qui suit : « Nous déléguons à nos gestionnaires de fonds d’investissement respectifs la décision d’intégrer les facteurs ESG pertinents ». Cette situation a changé à la suite d’une note d’orientation publiée par la Commission des services financiers de l’Ontario en 2017, qui indiquait qu’il ne suffisait pas que les promoteurs de régimes laissent la décision entièrement à leurs gestionnaires sous-jacents; ils devaient plutôt soit adopter la politique relative aux facteurs ESG de leurs gestionnaires de placement, décrire la façon dont les facteurs ESG sont pris en compte dans le cadre de la sélection ou de l’examen des gestionnaires ou qualifier les catégories d’actifs et les techniques pour lesquelles les facteurs ESG devraient être pris en compte. 

Avec le temps et grâce aux conseils de spécialistes et la réflexion, les promoteurs de régimes ont plusieurs options aujourd’hui pour raffiner leur intégration des facteurs ESG. Pour commencer, la valeur, dans le contexte des facteurs ESG, est la compréhension que les facteurs ESG offrent à la fois des risques et des occasions aux placements d’un régime. Il s’agit du concept d’« analyse des facteurs ESG » ou de l’intégration de facteurs ESG dans la recherche fondamentale sur les placements. Grâce à l’intégration, il devient possible de définir un risque ou une occasion pour un placement avant que le marché ne puisse et ne doive offrir un rendement financier. Les risques climatiques, qui peuvent maintenant être évalués de façon fiable[3], sont un exemple de situation où l’intégration peut être bénéfique pour le rendement. Les investisseurs dans le secteur immobilier ou les infrastructures devraient être très conscients de l’incidence financière que des événements météorologiques plus fréquents et extrêmes ont sur leurs actifs. Les investisseurs dans les obligations et les actions de sociétés ouvertes doivent également tenir compte du coût financier que les facteurs externes négatifs du risque climatique peuvent avoir sur leurs placements, ainsi que du risque lié à la détention d’actifs délaissés.

Cette récompense financière peut également être obtenue au moyen d’occasions d’engagement. Bien que les occasions d’engagement semblent mieux comprises du côté des actions du portefeuille, nous, en tant qu’investisseurs dans les titres à revenu fixe, croyons qu’il existe de nombreuses occasions d’engagement avec les émetteurs, car ils viennent fréquemment sur le marché pour émettre des obligations. L’occasion d’engagement est facile à saisir et permet d’améliorer la communication de l’information, car elle incite les entreprises à communiquer des renseignements sur des facteurs ESG comme le climat, la diversité et la rémunération, entre autres. Dans le pire des cas, le fait d’insister pour que l’information soit communiquée n’entraîne aucun changement, mais permet au gestionnaire de placements de mieux comprendre ce qu’il choisit de détenir (ou de ne pas détenir). Si elles sont fructueuses, les conversations sur la communication de l’information peuvent mener à des améliorations des activités de l’entreprise, ce qui peut améliorer la performance financière.

L’engagement auprès d’émetteurs du secteur de l’énergie a récemment mené à l’émission d’obligations liées au développement durable, aux termes desquelles le paiement des coupons peut augmenter si des objectifs précis liés au climat ou à la société ne sont pas atteints. Bien que cette démarche puisse être considérée comme de l’activisme social, elle s’harmonise en fin de compte avec l’obligation fiduciaire d’un promoteur de régime en favorisant une meilleure performance financière ou en atténuant le risque. 

Combiner des valeurs avec une valeur

Le concept d’analyse de la valeur et des facteurs ESG est comparé avec les valeurs et l’« investissement associé aux facteurs ESG ». La distinction est que l’analyse des facteurs ESG tient compte de ceux-ci dans chaque décision de placement, alors que l’investissement associé aux facteurs ESG se rapporte au produit. En d’autres termes, l’investissement associé aux facteurs ESG permet aux promoteurs de régimes d’investir selon leurs convictions éthiques ou morales. Il peut s’agir de filtrage (positif ou négatif) ou de placements ayant une incidence directe sur un enjeu, comme les droits des Autochtones, le logement et les technologies propres, entre autres.

Un fait important à prendre en considération est que, malgré la possibilité de comparer la valeur et les valeurs, ces deux éléments ne sont pas distincts. La Commission des services financiers de l’Ontario (CSFO) rappelle aux promoteurs de régimes que l’intérêt supérieur des bénéficiaires est traditionnellement évalué au moyen des intérêts financiers[4]. En d’autres termes, les régimes de retraite ne peuvent pas investir uniquement pour atteindre des objectifs sociaux, à moins que la loi l’exige (par exemple, un régime de retraite d’une société médicale qui exclut les placements liés au tabac). 

Exemple concret : lien entre les valeurs sociales et la valeur financière

Un important client universitaire de RPIA a été l’un des premiers à s’assurer que ses gestionnaires intègrent les facteurs ESG dans leur processus de placement. Conscient que les émissions de carbone et les risques climatiques auraient une incidence mesurable sur notre société et sur ses placements en raison de ces effets négatifs, ce client a fait part de son engagement à réduire l’empreinte carbone de son portefeuille de 40 % d’ici 2030. 

Nous avons travaillé en étroite collaboration avec lui du point de vue de l’« investissement associé aux facteurs ESG » afin d’élaborer une solution d’obligations de sociétés qui correspondait à son objectif. Cette stratégie incorporait notre processus de placement traditionnel en y ajoutant des limites de risque mesurables afin de cibler une réduction de 30 % du carbone par rapport au point de référence « traditionnel ». L’objectif était de réduire davantage l’exposition au carbone au fil du temps. En gérant le portefeuille de la même façon que nous le ferions pour toute autre stratégie active d’obligations de sociétés, bien qu’avec des limites de mesure du carbone intégrées à la politique de gestion des risques, nous avons été en mesure de réaliser deux objectifs pour le client : maintenir un rendement de crédit nettement supérieur et un portefeuille à faibles émissions de carbone.

Bien que l’intention était de réduire les émissions de carbone au fil du temps, le client a pu atteindre ses objectifs climatiques environ une décennie plus tôt que prévu aux termes de son engagement. Il a décidé d’aller plus loin dans le cycle de la décarbonisation en adoptant une approche de « carboneutralité d’ici 2050 ». À ce titre, nous avons collaboré avec lui et avec un important fournisseur canadien d’indices de titres à revenu fixe pour élaborer une stratégie et un indice de référence comparable pertinent. Ce faisant, les investisseurs ont maintenant accès à un cadre transparent pour les filtres mesurant la carbonégativité. Tout comme la stratégie initiale de réduction des émissions de carbone, la stratégie d’obligations de sociétés exemptes de combustibles fossiles démontre que l’investissement associé aux facteurs ESG est possible en adoptant une approche de placement traditionnelle. Il vise à maintenir le même niveau de rendement tout en réduisant considérablement l’empreinte carbone d’un régime au sein de son portefeuille de titres à revenu fixe – une initiative rapide et rentable pour tout régime de retraite.

Conclusion

L’intégration des facteurs ESG est devenue un élément essentiel de la stratégie de placement d’un régime, tant du point de vue fiduciaire que du point de vue axé sur les résultats. Toutefois, les croyances, les structures de gouvernance et les ressources varient, ce qui signifie que l’approche de chaque régime de retraite à l’égard des facteurs ESG semble un peu différente, car l’investissement durable est toujours en évolution. En réponse à l’évolution de l’environnement et des réalités sociales, il incombe aux gestionnaires de régimes et de placements de respecter la promesse de rendement tout en intégrant la valeur et les valeurs liées aux facteurs ESG. 



Références

[1] Bauslaugh, Randy et Dr Hendrik Garz. Pension Fund Investment: Managing Environmental, Social and Governance (ESG) Factor Integration,  McCarthy Tétrault, 1ᵉʳ mai 2019, https://www.mccarthy.ca/en/insights/articles/pension-fund-investment-managing-environmental-social-and-governance-esg-factor-integration

[2] Gold, Murray et Adrian Scotchmer, Climate Change and the Fiduciary Duties of Pension Fund Trustees in Canada, 1er septembre 2015, https://kmlaw.ca/wp-content/uploads/2015/10/KM_Climate_Change_Paper_06oct15.pdf

[4] Facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance. Note d’orientation sur les placements – 004, Commission des services financiers de l’Ontario – Surintendant des services financiers, 1ᵉʳ janvier 2016, https://www.fsco.gov.on.ca/fr/pensions/fsco_consultations/documents/ign004.pdf

Zachary Barsky, Vice-président, Institutionnel, RPIA 

Zachary a rejoint RPIA en 2020 et est chargé de développer les relations avec les investisseurs institutionnels et leurs consultants. À ce titre, il soutient les efforts de vente de l'équipe de gestion de portefeuille client grâce à des connaissances du marché, une stratégie d'investissement et des solutions de portefeuille.  Avant de travailler pour RPIA, Zachary a travaillé pour CIBC Asset Management au sein de l'équipe de conseil institutionnel, en se concentrant sur les relations avec les consultants institutionnels. Il était auparavant analyste principal en placements chez Willis Towers Watson, où il travaillait directement avec des régimes de retraite à prestations déterminées et à cotisations déterminées, des fondations et des fonds de dotation pour les conseiller sur tous les aspects de leurs portefeuilles de placements.

Zachary est titulaire d'un baccalauréat en commerce de l'Université McGill et d'un MBA de l'Université Queen's.

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