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Le télétravail aura-t-il une incidence sur votre régime de retraite?

Par Jenifer Elmy, associée principale, Torys LLP
novembre 26, 2024

Depuis l’avènement d’Internet, notre façon de travailler et notre lieu de travail ont progressivement changé. Le télétravail est soudainement devenu indispensable début 2020, en raison de la pandémie, et de nombreux employeurs continuent d’offrir à leurs employés des formules de travail à distance.

L’Agence du revenu du Canada (« ARC ») a récemment modifié son interprétation des règles relatives à la province d’emploi qui déterminent la retenue à la source applicable aux employés qui travaillent à distance à temps plein. La législation sur les normes minimales en matière de régimes de retraite prévoit des règles relatives à la province d’emploi similaires; toutefois, il n’existe pas de directives sur la manière d’interpréter ces règles dans le contexte d’une entente de travail à distance à temps plein.

Le présent article explore ces règles relatives à la province d’emploi et examine leur incidence sur les régimes de retraite.

Impôt : province d’emploi

Selon la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (« LIR »), les employeurs sont tenus d’effectuer des retenues à la source sur les salaires et de remettre ces sommes à l’ARC. La province ou le territoire où l’employé « se présente au travail » détermine le taux de l’impôt sur le revenu provincial ou territorial qui doit être déduit du traitement, du salaire et de toute autre rémunération versée à cet employé.

L’employé n’est pas tenu d’exercer physiquement ses fonctions dans l’établissement de l’employeur tous les jours pour que l’on considère qu’il « se présente au travail ». En fait, si l’employé en mode de travail hybride (c.-à-d. l’employé qui travaille à distance à temps partiel avec l’accord de son employeur) s’acquitte physiquement de ses tâches normales de manière régulière à l’établissement de l’employeur, on considère généralement qu’il « se présente au travail » dans la province où l’établissement de l’employeur est situé.

Toutefois, l’employé qui travaille entièrement à distance (c.-à-d. l’employé qui ne se présente pas physiquement au travail dans l’établissement de son employeur) est réputé, selon la législation, « se présenter au travail » dans la province à partir de laquelle son traitement ou son salaire est versé (normalement, la province où se trouvent le service de la paie ou les dossiers de paie) (la « règle de présomption »). 

Directives antérieures

Lorsque de nombreux employés ont adopté une formule de travail à distance à temps plein au sortir de la pandémie, l’ARC a confirmé que la règle de présomption continuerait à s’appliquer à eux (les « directives antérieures »). La conséquence de la règle de présomption est que la retenue provinciale ou territoriale sur la paie des employés qui travaillent à distance à temps plein peut avoir changé (c.-à-d. qu’elle a augmenté ou diminué) si la province ou le territoire où se trouve le service de la paie est différent de la province ou du territoire où les employés se présentaient au travail auparavant (c.-à-d. avant la pandémie).

Nouvelle politique

Le 1er janvier 2024, l’ARC a publié une nouvelle politique qui limite désormais l’application de la règle de présomption (la « nouvelle politique »). La nouvelle politique prévoit qu’un employé sera considéré comme « se présentant au travail » dans un établissement de l’employeur si : i) une « entente de travail à distance à temps plein » a été conclue et ii) l’employé peut raisonnablement être considéré comme « ayant un lieu de travail désigné de l’employeur ». 

Une « entente de travail à distance à temps plein » peut être temporaire ou permanente et existe lorsque : i) l’employeur demande ou permet à l’employé d’exécuter ses tâches à distance à temps plein et ii) les tâches de l’emploi sont exécutées à un ou à plusieurs endroits qui ne sont pas des établissements de l’employeur.

L’indicateur principal permettant de déterminer si un employé peut raisonnablement être considéré comme « ayant un lieu de travail désigné de l’employeur » consiste à savoir si l’employé se présenterait physiquement au travail pour exercer les fonctions liées à son emploi dans cet établissement, s’il n’y avait pas eu d’entente de travail à distance à temps plein. Ainsi, pour les employés qui se sont présentés physiquement à un établissement de l’employeur immédiatement avant de conclure une entente de travail à distance à temps plein, cet établissement est leur lieu de travail désigné, à moins que la situation d’un employé ou la nature de ses fonctions n’ait changé.

La nouvelle politique s’écarte des directives antérieures. Ainsi, pour les employés qui ont conclu une entente de travail à distance à temps plein après la pandémie ou qui en concluront une à l’avenir, il est probable que la règle de présomption ne s’appliquera pas. Au lieu de cela, leur province d’emploi restera la province où ils se présentaient au travail avant la pandémie.

Régimes de retraite : province d’emploi

La législation provinciale sur les normes minimales en matière de régimes de retraite prévoit des règles relatives à la province d’emploi comparables.

Par exemple, la Loi sur les régimes de retraite (Ontario) (« LRR ») s’applique à tous les régimes de retraite enregistrés offerts aux personnes qui sont employées en Ontario. Aux termes de la LRR, une personne est réputée employée dans la province où elle est tenue de « se présenter au travail » à l’établissement de son employeur. Lorsqu’une personne n’est pas tenue de « se présenter au travail » à l’établissement de l’employeur (par exemple, lorsqu’elle a conclu une entente de travail à distance à temps plein), la LRR considère qu’elle est soumise à la législation sur les normes minimales en matière de régimes de retraite de la province où se trouve le service de la paie de l’employeur.

Contrairement aux règles de retenue à la source décrites ci-dessus, l’organisme de réglementation des régimes de retraite de l’Ontario n’a émis aucune directive sur l’application des règles relatives à la province d’emploi. Toutefois, il est généralement admis dans le secteur que les règles relatives à la province d’emploi découlant de la législation provinciale sur les normes minimales en matière de régimes de retraite sont interprétées de la même manière que les règles de retenue à la source découlant des directives antérieures. 

L’application des directives antérieures a pour conséquence que les prestations de retraite d’un participant qui, auparavant, se présentait physiquement au travail à un établissement de l’employeur risquent d’être soumises à des normes minimales différentes si le service de la paie se trouve dans une autre province.

Toute modification apportée à ce régime pourrait avoir une incidence importante sur les droits à pension d’un employé. Par exemple, selon la province ou le territoire concerné, l’employé peut gagner ou perdre des droits d’acquisition réputée, le conjoint de fait de l’employé peut gagner ou perdre ce statut de conjoint de fait et les conditions d’admissibilité de l’employé à temps partiel peuvent varier. 

En outre, toute modification apportée aux normes provinciales minimales en matière de régimes de retraite applicables aux prestations du participant pourrait également entraîner un changement d’autorité principale du régime de retraite enregistré si la majorité des participants actifs travaille dans une autre province ou un autre territoire. 

Par ailleurs, comme l’interprétation de la nouvelle politique ne s’applique pas aux normes minimales en matière de régimes de retraite, il pourrait y avoir un décalage entre la province d’emploi visée par la législation sur les normes minimales en matière de régimes de retraite et la province d’emploi pour les retenues à la source, ce qui pourrait entraîner des coûts administratifs supplémentaires ainsi qu’une certaine confusion pour les participants au régime.

Les employeurs qui proposent des ententes de travail à distance à temps plein doivent être conscients de ces questions et des conséquences négatives que ces ententes pourraient avoir sur un régime de retraite enregistré.

Conclusion

On ne sait pas si une interprétation similaire à la nouvelle politique sera un jour adoptée par les organismes de réglementation des régimes de retraite afin d’harmoniser les règles relatives à la province d’emploi découlant de la législation provinciale sur les normes minimales en matière de régimes de retraite avec les règles relatives à la province d’emploi pour les retenues à la source. Ainsi, à moins que la législation ne soit modifiée ou clarifiée par des directives de l’organisme de réglementation, les employeurs qui proposent des ententes de travail à distance à temps plein devraient examiner attentivement les répercussions possibles de ces ententes sur les régimes de retraite enregistrés.




    RSC 1985, c 1 (5th Supp).

    Paragraph 153(1)(a) of the ITA.

    Subsection 102(1) of the Income Tax Regulations (Canada), CRC c 945 (“Regulations”).

    CRA View, 2015-0620821I7, Withholding of Income Tax at Source.

    Subsection 100(4) of the Regulations.

    CRA View, 2021-0911861C6, CTF Conference Roundtable 2021 – Q10: Regulation 100(4)(a) and Payroll Deductions.

    Government of Canada, “Determine the Province of Employment (POE)”, online: Determine the province of employment (POE) - Canada.ca.\

    For completeness, please note that there are also various secondary indicators that the CRA considers for this portion of the test, but these secondary indicators will not be discussed in this article.

    The federal Pension Benefits Standards Act, 1985, RSC 1985, c 32 (2nd Supp) is different as it has an “included employment” definition that does not require an employee to physically report for work at an establishment of the employer for the legislation to apply.

10     RSO 1990, c P.8.

11     Section 3 of the PBA.

12     Subsection 4(1) of the PBA.

13     Subsection 4(2) of the PBA.

14     See “Part II Major Authority” of the 2023 Agreement Amending the 2020 Agreement Respecting Multi-Jurisdictional Pension Plans.

Jenifer Elmy, associée principale, Torys LLP

Jenifer Elmy est associée principale chez Torys LLP. Elle conseille les employeurs, les administrateurs de régimes et les prestataires de services sur tous les aspects des régimes de retraite, d'avantages sociaux et de rémunération des cadres.