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Les feux de forêt, les canicules et l’investissement d’impact
L’été qui vient de s’écouler a été considéré comme le plus chaud de tous les temps, en plus d’avoir été assorti de feux de forêt généralisés et sans précédent aux quatre coins du globe. Bien que ces crises environnementales ne puissent pas être attribuées uniquement aux changements climatiques, les experts sont généralement d’accord pour dire qu’ils y sont étroitement liés.
L’odeur de fumée dans l’air a été un véritable signal d’alarme pour plusieurs investisseurs et fonds d’investissement, surtout ceux du secteur immobilier, compte tenu du fait que l’industrie de la construction compte pour environ 40 % des émissions mondiales de carbone.
Le secteur immobilier a une occasion extraordinaire de pouvoir diriger le changement et, sans doute, l’obligation morale de générer un impact environnemental important en vue d’offrir un futur durable aux générations à venir.
Outre l’aspect altruiste, les investissements immobiliers durables fournissent aussi des retombées économiques distinctes et sont essentiels pour atténuer les risques futurs. En d’autres termes, il s’agit d’impératifs financiers judicieux.
Atténuer les risques futurs
Si la saison des feux de forêt est terminée, il faut savoir que des centaines d’incendies font toujours rage autour de nous. Il devient donc évident que les changements climatiques sont à l’origine de perturbations importantes au sein des marchés de l’immobilier et de l’assurance. Selon les services immobiliers commerciaux et la société d’investissement CBRE, les primes d’assurance-propriété ont connu une hausse de plus de 10 % au cours de chacun des sept derniers trimestres, alors que les portefeuilles immobiliers subissent des dommages matériels dus aux catastrophes naturelles.
À long terme, les crises climatiques continues nuisent à la capacité des investisseurs à maintenir leur valeur et à générer un rendement constant. D’après un rapport de l’Université de Cambridge, les changements climatiques posent un risque « non couvert » pour les portefeuilles d’investissement. Aussi, selon ce rapport, la croissance économique sera plus grande, à long terme, si la société assure une bonne gestion des changements climatiques. Compte tenu de cette évaluation, il va de soi que la prise de mesures visant à réduire les émissions et à éviter les pires effets des changements climatiques est la seule voie réelle vers la protection à long terme de la valeur et du rendement des investissements.
La durabilité : une demande des utilisateurs finaux
Cette demande pose un risque futur supplémentaire pouvant être géré au moyen d’investissements durables. Les clients et les locataires sont de plus en plus soucieux de l’environnement et font pression sur les promoteurs et les propriétaires afin qu’ils atténuent l’impact négatif des immeubles sur les changements climatiques. Ceux qui sous-estiment cette tendance croissante pourraient voir leurs actifs subir une perte de rendement.
Le secteur immobilier commercial a été durement touché par les confinements prolongés dus à la pandémie de COVID-19. Deux ans et demi plus tard, plusieurs entreprises ont décidé de maintenir un environnement de travail hybride, laissant ainsi vacants plusieurs tours de bureaux. Les propriétaires qui souhaitent réoccuper ces espaces doivent offrir un avantage concurrentiel afin d’attirer et de conserver des locataires à long terme, et la durabilité s’impose comme un grand facteur de différenciation. Offrir des espaces durables et écoresponsables, ce n’est plus un luxe, mais une nécessité absolue.
Les études montrent que les caractéristiques écoénergétiques peuvent aider, puisqu’il s’agit d’une priorité croissante pour les locataires. Les résultats du sondage réalisé en 2022 par CBRE abondent en ce sens:
- 84 % des répondants estiment que les caractéristiques ayant pour effet de réduire la consommation d’énergie ont une incidence sur les décisions immobilières;
- 45 % des locataires accepteraient de payer plus cher pour un immeuble ayant obtenu une certification à titre d’immeuble écologique;
- 31 % des locataires demanderaient une baisse de prix si un immeuble ne possédait aucune caractéristique ayant pour effet de réduire la consommation d’énergie, tandis que 18 % refuseraient tout simplement d’emménager dans un tel immeuble.
L’importance de la durabilité au sein du marché locatif est indéniable. Dans un marché locatif de plus en plus concurrentiel, ces chiffres peuvent donner lieu à plusieurs étages d’espaces vides et à des pertes de rendement du capital investi. Lorsque les entreprises décident de louer un espace, les études montrent qu’elles sont prêtes à payer un taux plus élevé ou ce qu’on appelle une « prime verte », ce qui est tout aussi important. D’après le rapport de la Commission européenne sur les avantages macroéconomiques et autres de l’efficacité énergétique, un immeuble intelligent et à rendement plus élevé peut raisonnablement entraîner une augmentation pouvant aller jusqu’à 11,8 % de la valeur locative et générer, en fin de compte, une augmentation de 5 à 35 % de la valeur de vente.
En outre, d’après le sondage réalisé en 2022 par CBRE, les immeubles de bureaux certifiés LEED (Leadership in Energy and Environmental Design) sont associés à une hausse du prix annuel net des loyers de 31 % ou de 38 $ par pied carré, contre 29 $ pour les immeubles non certifiés LEED. Une telle certification donne aussi lieu à un taux d’occupation prolongé.
Bentall Kennedy, l’un des plus grands conseillers en immobilier du monde, dont le portefeuille nord-américain compte plus de 300 propriétés, a déclaré que les propriétés pour lesquelles il a obtenu une certification relative à la performance environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) avaient un taux d’occupation de 18,7 % plus élevé que ses autres propriétés. Qui plus est, le loyer dans ses immeubles de bureaux écologiques était 3,7 % plus élevé que dans ses autres immeubles.
Conformément à l’étude réalisée par le MIT Real Estate Innovation Lab en 2020, intitulée « The Financial Impact of Healthy Buildings », les loyers réels dans les immeubles certifiés sur le plan sanitaire étaient de 4,4 à 7,7 % plus élevés par pied carré que les immeubles voisins non certifiés et non homologués.
Un avantage supplémentaire est que les locataires qui préfèrent les espaces verts et qui sont prêts à payer plus cher pour ces derniers tendent aussi à y être plus heureux et à y rester plus longtemps, réduisant ainsi les coûts de roulement.
Payer maintenant, économiser plus tard
Nous ne pouvons pas ignorer le fait que la construction d’immeubles écologiques ou durables s’accompagne d’un coût initial plus élevé, mais cet investissement peut être récupéré au moyen d’une augmentation générale du rendement du capital investi et de la valeur des actifs et d’une réduction des coûts d’exploitation.
Dans le cadre de l’étude réalisée par MIT en 2020, l’augmentation moyenne de la valeur des actifs a été calculée, d’après les propriétaires et les investisseurs. En voici le résultat :
- hausse de 9,2 % de la valeur des actifs pour les nouveaux immeubles écologiques;
- hausse de 9,1 % de la valeur des actifs pour les immeubles écologiques rénovés/modernisés.
Parallèlement, selon une étude publiée dans la revue à comité de lecture Energies, les immeubles écologiques peuvent donner lieu aux réductions suivantes : jusqu’à 30 % de la consommation d’eau, jusqu’à 40 % de la consommation d’énergie, de 10 à 30 % des coûts généraux d’entretien des immeubles, et de 30 à 40 % des émissions annuelles de carbone.
Les codes du bâtiment du futur
Mis à part la question de la rentabilité, la construction durable offre aussi l’occasion de prendre une longueur d’avance par rapport à la réglementation. Les codes du bâtiment touchent jusqu’à 68 % de la consommation d’énergie, et la réglementation deviendra de plus en plus stricte. Le gouvernement fédéral s’est engagé à élaborer un nouveau code du bâtiment fondé sur un modèle de carboneutralité que les provinces et les territoires devront adopter d’ici la fin de 2024. Suivant l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, les propriétaires d’immeubles non conformes pourraient être tenus de les moderniser, engageant ainsi des dépenses importantes pour respecter les nouvelles normes.
Pas d’investisseurs = pas de développement
Bien qu’il soit bon de consulter les études en vue de prendre des décisions éclairées, rien n’est plus important que ce que nous entendons de façon anecdotique, de la bouche des investisseurs qui nous entourent. Le développement immobilier ne se déroule pas dans une bulle. Plusieurs des immeubles qui sont érigés autour de nous sont financés par des investisseurs, et ces derniers nous disent de plus en plus qu’ils tentent de s’aligner sur des fonds sociaux et environnementaux ou qu’ils sont à la recherche de fonds pour assurer l’avenir. C’est notamment le cas des jeunes investisseurs. Conformément à un sondage mené en juillet par la U.S. Bank auprès d’environ 4 000 investisseurs actuels et futurs, près des deux tiers (65 %) des investisseurs de la génération Z et 59 % des investisseurs de la génération Y souhaitent répartir les fonds de leurs portefeuilles de façon à soutenir des causes qui leur tiennent à cœur, en comparaison avec 45 % des investisseurs de la génération X et 30 % des investisseurs de la génération du baby-boom. Comme ces jeunes investisseurs représenteront inévitablement une part de plus en plus importante du marché, les gestionnaires de fonds devront s’engager à rendre leurs portefeuilles immobiliers plus durables, tandis que les promoteurs seront tenus de construire des immeubles plus écologiques pour attirer des fonds et les conserver.
Procéder avec intention, sans sacrifier les profits
En ce qui concerne la performance ESG, les critiques soutiennent que l’objectif des fonds d’investissement est de générer des profits et que les investissements durables, par leur nature, sacrifient les profits. Cependant, les études, et surtout celles axées sur les investissements immobiliers, réfutent cette notion. Les recherches montrent que les entreprises qui améliorent leur performance ESG connaissent aussi une hausse de leurs rendements et de leur valeur.
Le groupe immobilier de Deloitte Canada a analysé plus de 250 sociétés immobilières du monde entier en 2020 et en 2021. Selon leur rapport, la majorité des sociétés immobilières affichaient une hausse de leurs rendements et de leur valeur quand leur performance ESG était plus élevée plutôt que plus faible. Plus précisément, en 2021, 42 % des sociétés immobilières nord-américaines ont eu une rentabilité accrue lorsque leur performance ESG était plus élevée, contre seulement 29 % de celles dont la performance ESG diminuait. D’après ce même rapport, il y a un alignement de plus en plus grand entre la performance ESG et le rendement des actifs, et les investisseurs de l’Amérique du Nord et de l’Europe commencent peut-être à accorder une valeur plus élevée aux entreprises qui ont une meilleure performance ESG.
La très forte chaleur indique toutefois que c’est trop peu, trop tard. Le Climate Crisis Advisory Group (CCAG) a publié une déclaration en novembre 2022 selon laquelle les engagements actuels ne sont pas suffisants. Monsieur David King, président du CCAG a déclaré : [traduction] « Atteindre la carboneutralité d’ici 2050 n’est plus assez pour assurer l’avenir de l’humanité; nous devons revoir les cibles mondiales au-delà de la carboneutralité et opter de toute urgence pour des stratégies nettes négatives. »
De plus en plus, une bonne partie de l’argument relatif à la durabilité est liée à la sphère politique. Quelques fonds et entreprises ont fait marche arrière par rapport à leurs promesses au chapitre de la performance ESG par crainte d’être ciblés. Les conséquences sont trop graves pour se croiser les bras et avancer timidement. Les investisseurs qui souhaitent connaître une croissance et assurer l’avenir de leurs rendements ne peuvent pas attendre une autre journée. Les chiffres ne mentent pas. La durabilité gagne en importance dans le contexte des investissements. Ceux qui ne l’ont pas encore réalisé sont déjà en retard.
Bien souvent, c’est une situation de désespoir qui nous permet de trouver la voie du changement. Les flammes seront de retour l’année prochaine, mais ce que nous ferons d’ici là peut faire une différence. En agissant avec détermination dès aujourd’hui, nous pourrons augmenter nos profits tout en nous assurant de léguer aux enfants des enfants de nos enfants une planète habitable.
Mazyar Mortazavi, président-directeur général, TAS
Mazyar Mortazavi est un bâtisseur de villes passionné et le président-directeur général de TAS, une société d'investissement immobilier à impact qui fait parler d'elle pour son approche innovante de la planification urbaine, reliant l'objectif et le profit, tout en gardant les communautés au cœur du projet. Au cours des 20 dernières années, Mazyar a dirigé l'évolution de TAS, qui est passé d'un constructeur de maisons personnalisées à un développeur d'impact à usage mixte qui s'engage, conçoit et investit avec l'intention de construire des villes plus inclusives et plus vivables. Il dirige une équipe croissante d'experts passionnés qui repoussent les limites, expérimentent et innovent pour répondre aux besoins urbains urgents. Il est profondément engagé dans le déblocage de l'équité entre toutes les parties prenantes de la communauté et dans l'évolution du capital en tant qu'outil de résilience à long terme. Mazyar est actif et impliqué dans la communauté en tant que membre du conseil d'administration du Toronto Board of Trade, administrateur du Musée des beaux-arts de l'Ontario et dans le réseau YPO.
À PROPOS DE TAS
TAS est une entreprise à impact non conventionnel qui promeut des quartiers connectés et des communautés bienveillantes et engagées. En tant que Certified B Corporation, signataire des PRI et membre du Global Impact Investing Network (GIIN), TAS recherche des opportunités qui créent de la valeur pour les investisseurs et génèrent un impact social et environnemental mesurable. Notre pipeline de développement actif et notre portefeuille sous gestion totalisent plus desept millions de pieds carrés d'espace résidentiel et commercial.