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Revenir aux bases de la gestion de portefeuille active

Par Annie Laliberté, vice-présidente, Actions mondiales, Addenda Capital
octobre 31, 2024

Au cours des 12 mois précédant le 30 août 2024, l'indice S&P 500 a enregistré un rendement de 26,7 %. Bien que cette progression ait profité aux investisseurs qui privilégient les fonds indiciels, plusieurs ont souligné le fait que 41 % de ce gain global est attribuable aux « Sept Magnifiques » (Apple, Microsoft, Alphabet, Amazon, Nvidia, Meta et Tesla). Cette situation, qui n'est pas sans précédent, donne l'occasion de réexaminer les risques de concentration du marché tout en jetant un regard neuf sur les aspects fondamentaux de la gestion de portefeuille active.

Les Sept Magnifiques représentaient 35,5 % de la capitalisation boursière du S&P 500 à la fin du mois d'août 2024. Cependant, une étude récente menée par Morgan Stanley a noté que la concentration du marché américain est en fait inférieure à celle d'autres marchés dans le monde1. Elle a également souligné que le niveau de concentration aux États-Unis n'était que de 13 % en 2013. Cette escalade a soulevé des questions, par exemple sur la difficulté de dépasser les indices de référence, tout en amenant certains investisseurs à s’interroger sur une possible bulle technologique.

Il va de soi que lorsque le rendement global d'un indice est élevé, certains investisseurs peuvent craindre de rater des occasions. Cependant, des ajustements pourraient s’imposer si les conditions du marché venaient à changer et que les perspectives des Sept Magnifiques devenaient moins favorables. D’un point de vue historique, la gestion active a souvent démontré sa valeur dans ce type de situation, notamment lors de la transition d’un marché haussier à un marché baissier.


Risques de concentration

Jetons un coup d’œil à trois risques de la concentration de marché.

Volatilité accrue : lorsque quelques grandes entreprises ont un impact significatif sur le marché, toute nouvelle négative ou tout enjeu de performance les concernant peut entraîner une plus grande volatilité du marché.

Diversification réduite : une forte concentration du marché signifie que les portefeuilles des investisseurs peuvent être moins diversifiés. Ce manque de diversification peut accroître le risque de pertes importantes en cas de sous-performance des sociétés dominantes.

Enjeux de valorisation : une dépendance excessive à l'égard d'un petit nombre d'actions très performantes peut mener à des valorisations excessives, qui peuvent ne pas être viables à long terme.


Traverser les marchés baissiers

La gestion active de portefeuille nécessite la connaissance du passé. En analysant les facteurs qui ont conduit à ces événements et la façon dont les choses se sont déroulées par la suite, les investisseurs peuvent développer des stratégies pour aider à atténuer les risques ou saisir des occasions. Cette perspective est cruciale dans le contexte actuel des marchés. Les investisseurs sont confrontés à un contexte économique incertain, caractérisé par l'ajustement de la politique monétaire des banques centrales pour maîtriser l'inflation et par une croissance économique plus faible.

Pour ceux qui n'ont pas connu de marché baissier prolongé depuis qu'ils sont entrés dans le secteur financier, faisons un petit retour en arrière. Dans le sillage de la bulle Internet de 1999-2000, les investisseurs qui avaient sauté à pieds joints dans le train ont dû se gratter la tête, cherchant des moyens de rebondir.

Dans un contexte baissier, la gestion active permet aux gestionnaires et aux investisseurs d’ajuster la stratégie, contrairement à une approche passive ayant pour but de refléter l’évolution des indices. Par exemple, une approche active peut viser à diminuer l’exposition à des secteurs jugés trop chers tout en augmentant l’exposition à d’autres secteurs où les prix des actifs sont jugés sous-évalués ou raisonnables.

En 2008, par exemple, certains investisseurs cherchant des façons de braver la tempête ont choisi de se tourner vers des sociétés financièrement solides, dotées d’une stratégie claire et définie, avec des avantages compétitifs vis-à-vis les pairs et une feuille de route éprouvée. Ces sociétés sont davantage en mesure de supporter des périodes de tourmente dans le marché et, ainsi, de protéger les portefeuilles. Une approche similaire pourrait être à envisager en 2024, alors que bon nombre d’investisseurs cherchent des manières de se protéger le plus possible d’un éventuel épisode de turbulence dans les marchés. Voici des éléments de base d’une gestion active, même si ceux-ci peuvent paraître évidents aux yeux de certains.


Analyse fondamentale des sociétés

L’analyse fondamentale des sociétés est un aspect important de la gestion active. Elle consiste à examiner la santé financière de l’entreprise et celle des concurrents, tout en tenant compte du contexte macroéconomique et politique.

Santé financière

  • Par exemple, l’analyse financière d’une société permet d’évaluer sa capacité à générer des bénéfices. A-t-elle des liquidités? Génère-t-elle des flux de trésorerie? Gère-t-elle bien sa dette? Il faut la mettre en relation avec le cours de son titre. 

Positionnement par rapport à ses concurrents

  • Comment ses produits ou son plan stratégique se distinguent-t-ils des autres sociétés? 
  • A-t-elle une stratégie bien établie pour poursuivre sa croissance? Son modèle d’affaires peut-il survivre à long terme?

Qualité de son équipe de direction

  • La mission de la société est-elle claire?
  • Quels objectifs l’équipe s’est-elle donnés pour assurer la croissance de l’entreprise? 
  • Depuis combien d’années l’équipe est-elle en place?

Perspectives du secteur

  • Le secteur dans lequel évolue la société a-t-il de bonnes perspectives de croissance?

Facteurs extra financiers

L’analyse de facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance bonifie l’analyse fondamentale, tout en cherchant à améliorer le rendement à long terme pour les investisseurs.

  • Comment ces enjeux sont-ils gérés par la société?
  • Quelles politiques ont été mises en œuvre?
  • La gouvernance de l’entreprise est-elle robuste?
  • L’équipe de direction et le conseil d’administration sont-ils bien outillés pour gérer les enjeux environnementaux et sociaux?
  • Des enjeux spécifiques sont-ils à surveiller?


Gestion du risque

La gestion active d’un portefeuille consiste à apporter les changements judicieux permettant de s’adapter à des conditions nouvelles ou de réagir à des risques spécifiques. Voici quelques éléments à considérer.

Diversification des actifs pour réduire l’exposition à certains secteurs

  • Y a-t-il des secteurs à l’égard desquels le portefeuille est trop exposé? La technologie? La santé, comme les pharmaceutiques et la biotechnologie? Les sociétés financières? Les sociétés industrielles? Si oui, il peut être judicieux de réduire l’exposition pour réduire le risque.

Surveillance de l’évolution des titres en portefeuille

  • Le cours des titres en portefeuille reflète-t-il la capacité à générer des bénéfices? Y a-t-il eu des changements en fonction desquels il faudrait ajuster le portefeuille?

Évaluation des risques associés à des titres en portefeuille ou à des secteurs

  • Les sociétés font-elle face à des risques de nature environnementale qui pourraient avoir un impact financier important, comme des risques de déversements, des risques liés à l’impact des opérations, etc.?
  • Y a-t-il des enjeux sociaux à surveiller (conditions de travail, respect des droits de la personne, problèmes vécus par des fournisseurs, etc.)?
  • Y a-t-il des enjeux de gouvernance, par exemple un conseil d’administration complaisant, des pratiques non durables ou des allégations d’écoblanchiment?


Conclusion

Le marché boursier américain a enregistré de bonnes performances au cours des deux dernières années, mais son niveau de concentration actuel ouvre la porte à une réflexion sur la gestion active de portefeuille. Les fonds indiciels ont certes leurs adeptes, mais on ne peut ignorer les risques associés à une telle concentration. La gestion active fournit un cadre stratégique aidant à gérer ces risques, tout en permettant des ajustements de portefeuille en réponse à des changements dans le marché.




1 https://www.morganstanley.com/im/publication/insights/articles/article_stockmarketconcentration.pdf 

Annie Laliberté, vice-présidente, Actions mondiales, Addenda Capital

Annie Laliberté dirige l'équipe des actions mondiales chez Addenda Capital. Elle participe à la gestion des portefeuilles d'actions internationales, mondiales et américaines. Elle s'occupe également de l'analyse et du suivi des différents secteurs d'activité et des titres détenus dans les portefeuilles.